06- Denis-Charles Bastard de Fontenay
Denis-Charles de Bastard de Fontenay
1766
par Nathalie du Peyroux-Le Brethon
Denis-Charles de Bastard, marquis de Fontenay, naquit à Montreuil-le-Henri le 4 octobre 1708.
La famille de Bastard était établie depuis la fin du XVe siècle à Dobert (Avoise) et Fontenay-sur-Vègre mais le père de Denis-Charles, Denis de Bastard de Fontenay, capitaine de vaisseau, avait connu de bonnes fortunes et suivi une brillante carrière ; ainsi avait-il renoncé à l’héritage de ses parents et avait acheté en 1703 la terre, seigneurie et ancienne châtellenie de Montreuil-le-Henri à une trentaine de kilomètres au sud-est du Mans.
Il fut dirigé dans un premier temps vers la carrière des armes et en 1734, âgé de 26 ans, prit le commandement de la compagnie de Dragons-Fontenay qui avait été levée et équipée par son oncle, René de Bastard, à la fin du XVIIe siècle. A la tête de sa compagnie, il fit les campagnes d’Italie de 1733 à 1735, puis revint dans le Maine et y demeura quelques années. Il épousa en 1739 Catherine de Boullemer de Bresteau, originaire de Saint-Martin du Vieux-Bellême dans le Perche, qui lui donnera huit enfants.
Il repartit en 1743 pour la campagne d’Allemagne au cours de laquelle il fut nommé Chevalier de Saint-Louis, et prit part, entre autres, à la bataille de Fontenoy en 1745.
Si la vie militaire du marquis de Fontenay ne devait prendre fin qu’en 1761, il n’attendit pas cette date pour se préoccuper, lors du temps qu’il passait à Montreuil-le-Henri entre deux campagnes, de l’amélioration de ses terres et pour se livrer aux travaux de l’agriculture. Et, dès l’établissement de la Société royale d’Agriculture en 1761, Denis-Charles figure sur la liste des premiers membres du bureau du Mans.
Il en fut le président durant l’année 1766.
De nombreux témoignages prouvent le souci qu'avait le marquis de Fontenay d’innover et de faire progresser les productions agricoles. Sa carrière militaire l’avait mené hors de nos frontières et lui avait donné des idées. Lors d’une séance du Bureau d’agriculture en janvier 1773, il ne se contente pas d’évoquer la culture de la pomme de terre mais il propose à ses collègues une manière de conserver ce nouvel aliment !
Dans le « Dictionnaire statistique de la Sarthe » de Pesche, on peut lire également à l’article consacré à Montreuil-le-Henri: « Le Marquis de Bastard de Fontenay, voulant stimuler le zèle et l’émulation parmi les cultivateurs de la paroisse de Montreuil-le-Henri, établit un concours dont le prix serait la plus belle vache qu’il serait possible de se procurer, pour être délivrée au cultivateur des terres à ferme qui aurait le mieux labouré et ensemencé le tiers de sa tenue, sans négliger le soin des prairies, des bestiaux, de la récolte, du fumier etc. […] Cet encouragement, qui fut continué pendant plusieurs années, contribua beaucoup à l’amélioration de la culture et à l’aisance des cultivateurs dans cette paroisse pauvre et assez mal cultivée auparavant. »
Denis-Charles de Bastard ne se soucie pas uniquement de ses propres domaines. Il n’hésite pas à envoyer un travail d’économie politique à Monsieur Necker, alors directeur général des finances, qui lui écrivait le 14 mars 1778 qu’il accepterait avec plaisir le projet que lui proposait le marquis de Fontenay : « J’applaudis bien sincèrement au patriotisme qui vous engage à employer les loisirs de votre retraite, à la recherche des moyens de contribuer au bonheur de l’Etat et ses peuples, après avoir consacré quarante ans au service du Roi. »
Enfin, je laisse la parole à ses descendants qui nous livrent, vers 1840, un portrait touchant de leur ancêtre : ces lignes ne sont pas empreintes d’une réelle objectivité mais elles nous rendent le marquis de Fontenay plus proche et nous permettent de découvrir non seulement un agronome éclairé mais surtout un gentilhomme campagnard profondément humain.
« Le Marquis de Fontenay avait cinq pieds dix pouces et une corpulence en harmonie avec cette belle taille. Il avait la plus noble figure. Mais à la fin de sa vie, il était devenu très goutteux et d’une extrême obésité qui, sans altérer la noblesse de ses traits, lui avait, pendant les dernières années de sa vie, ôté presque entièrement l’usage de ses jambes ; il se servait d’une petite voiture basse pour se transporter dans les endroits de sa terre qui réclamaient sa présence et surveiller ses travaux agricoles. » Henri de Bastard d’Estang, généalogiste de la Maison de Bastard.
« Lorsque mon grand-père s’occupa de l’administration des terres de Montreuil-le-Henri, cette commune qui n’avait aucune industrie, était si pauvre qu’une forte partie de ses habitants, et même quelques-uns des bordages dépendant de la terre de Montreuil, ne vivaient, dans les mortes saisons, que du pain mis à leur disposition dans une ferme attenant au château, et sans qu’ils eussent besoin d’en faire la demande. A cette époque, les terres de cette commune, de très médiocre qualité, restaient presque toutes en friche, sous le nom de landes, d’où dérive celui de Lanfrière, faute d’argent pour les mettre en valeur, et surtout faute de chemins praticables aux charrettes pour conduire les produits aux marchés voisins. A ses frais, mon grand-père a fait des chemins, la plupart larges et forts beaux ; a semé en bois de chêne et de sapin la plus mauvaise lande ; a fait extraire des profondeurs de la terre de la marne, dont un vaste lit avait été reconnu par ses soins, a donné l’exemple de l’emploi de cette précieuse matière à l’amendement des terres ; et par là a amené successivement le défrichement des terres incultes et l’accroissement des produits des terres cultivées ; enfin, par son séjour prolongé, dont il pressentait les heureuses conséquences, dans le pauvre pays où il dépensa longtemps sa grande fortune, y a apporté l’aisance, de bonnes habitudes agricoles, et y a développé, avec l’aisance, l’industrie. […]. J’ajouterai que, possesseur de la terre de Dobert, située dans un beau pays, il s’est attaché à Montreuil justement à raison de sa pauvreté et du bien qu’y faisait sa résidence. Aussi, un jour, un ingénieur chargé du tracé d’une route au travers de ses terres, éprouvait quelque embarras à lui parler des sacrifices qu’il allait réclamer de lui, mon grand-père le prévint, et en homme plus éclairé qu’on ne l’était alors sur le mérite des routes, il lui dit : « Monsieur l’ingénieur, si les convenances de votre chemin exigent qu’il passe au travers de la cour de mon château, que cela ne vous inquiète, ni ne vous arrête pas. » Ce tracé ne fut pas nécessaire. Il est juste de reconnaître que les soins de mon grand-père ont été bien payés par l’augmentation de la valeur de ses biens à Montreuil et de ses revenus, et aussi par la vénération dont il a été l’objet, et dont sa mémoire est encore honorée. » Comte Armand de Bastard de Fontenay.
Denis-Charles de Bastard, marquis de Fontenay, mourut le 31 janvier 1789 à l’âge de 81 ans au château de Montreuil-le-Henri qui l’avait vu naître.
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